« Ils », parce que je les imagine masculins. Pourquoi ? Peut être parce que dans l’inconscient collectif, et aussi dans le mien, ces personnes qui sont entrées chez moi cette nuit-là ne pouvaient pas être des nanas. Toujours est-il que des gens sont entrés chez moi, un soir.
Il était une fois, un matin.
Je rentrais chez moi après avoir passé la nuit pas loin chez un proche. Mon sac Eastpak bleu sur le dos, je sors mes clés comme d’habitude, j’ouvre la porte, comme d’habitude aussi. Puis je pousse la porte d’entrée de mon appartement, comme à peu près tout le monde le fait tous les jours plusieurs fois par jours. Cependant, ce matin là, la porte n’a pas pu s’ouvrir en grand devant moi, un truc la gênait.
C’est le truc qui m’a fait lever la tête et plus ou moins lever un sourcil, façon « tiens bizarre ». Dans ces moments là, étrangement, on comprend rapidement, mais on se convainc en l’espace de quelques secondes, que non.
Non, ça ne peut pas être ce qui nous traverse l’esprit tellement vite. Cela ne peut pas arriver. Pas nous arriver. Pourtant, la porte d’entrée est gênée par un truc, elle ne s’ouvre pas en grand comme d’habitude quand je la pousse après avoir retiré la clé de la serrure. Alors ce matin, je la pousse, et je vois que la porte du placard, à droite, est ouverte. Normal donc, la porte du placard téléscope la porte d’entrée et l’empêche de s’ouvrir complètement. Rien d’étonnant.
Vous me direz, Ok et alors ?
Il se trouve que quand on vit seule dans un appart’, quand bien même on est bordélique, on connaît son appart. Il y a des portes de placard qu’on n’ouvre jamais, parce qu’elles gênent tout simplement. Ce matin-là, cette histoire de porte m’a chatouillé l’esprit, mais ça ne m’a pas fait percuter immédiatement. Il aura fallu que je fasse quelques pas devant moi dans l’entrée et que je tourne la tête à droite, côté cuisine, pour comprendre que la sensation la plus brève du monde que j’avais eu une minute plus tôt, était justifiée.
Cette sensation, c’était un peu : « bizarre, il y a un truc qui cloche, ce n’est pas comme d’habitude… ». Tourner la tête coté cuisine, ça aura été l’immersion dans une de ces situations qu’on espère ne jamais connaître et expérimenter. Alors j’ai préféré aller tout droit, qu’aller à la cuisine. Comme pour éviter d’affronter les faits.
Tout droit, le salon. Là j’allume la pièce, des affaires par terre, les tiroirs ouverts. Un grand frisson me traverse. Plus moyen d’esquiver, non ce n’est pas une blague pas drôle d’un pote. De toutes façons, personne d’autre que moi n’a les clés. Non ce n’est pas un oubli d’hier, mode grande flemme. La boîte de téléphone portable tactile ouverte par terre, elle bougeait jamais de son coin du meuble là. Oui on est entré chez moi. Et oui il faut continuer à avancer, pour voir jusqu’où ils auront été.
Pas envie dans ces moments là, de bouger. Pas envie d’aller parcourir les pièces de l’endroit où on vit. Pas envie de savoir + que ce que l’on voit. On a senti, on a compris, on a vu et constaté. Cela suffit à prendre une baffe. La baffe qui vous assoit sur l’arrière train, sans la douleur et la joue rouge, mais la bonne baffe des familles, qu’on croyait qu’on ne recevrait pas ou plus.
Réaliser que quelqu’un est entré chez soi en son absence, c’est comme se faire virer de chez soi, tout en y étant, les clés dans les mains, et ses affaires à l’intérieur. C’est en quelques instants, comme être dépossédé(e), d’une partie de son quotidien, de ce qui faisait qu’on était chez « SOI ».
Petit tour rapide partout, pas de bruit, de toute façon, a priori, il n’y a plus personne que soi-même. Les fringues n’ont pas bougé. La salle de bain est telle qu’elle était avant. Wc idem. On sent alors qu’il faut aller voir les trucs, les trucs dont on est désormais sûre qu’ils ne seront plus à leur place. On sait qu’ils ne sont plus là, mais on va voir quand même. Non, plus de bijoux dans les coupelles dans le salon. Plus d’ordi portable sur la table basse, plus de console de jeux à coté de l’énorme écran tv cathodique trop énorme à embarquer. Plus de cable hi-fi ou usb et compagnie. Plus de casque audio.
Fichtre. Ils auront embarqué même le pass Navigo.
Aller finalement dans la cuisine, voir comment ils auront procédé, sûrement un pied de biche ou des coups de tournevis dans la porte vitrée de la cuisine.
Ouvrir son réfrigérateur. Mécaniquement. Réaliser qu’ils ont pris des canettes de jus de fruits et de bière. Voir qu’ils auront été jusque là. Aller dans le garde-manger. Se sentir blasée et frissonner.
Un truc qu’on comprend vite: Ils font efficace et pratique. Ils font valeur, ils font petits, ils font vite. Chance ou pas ? Ils n’ont rien dégradé. Chance ou pas ? J’avais tous les moyens de paiement avec moi quand c’est arrivé. L’appareil photo numérique aussi, mon téléphone, mon sac à main.
Réaction: Ils n’ont pas tout eu, j’avais laissé cet autre téléphone que je voulais vendre, sur le canapé, sous un coussin, en faisant le ménage la veille. Je l’avais posé là et avais foutu le coussin dessus, le temps de ranger et nettoyer un peu. Ils n’y ont pas pensé. Qui y aurait pensé d’ailleurs. On se réjouit une seconde qu’a priori, ils n’auront pas tout pris. On devine qu’ils étaient venus pour des bijoux, du petit équipement hifi informatique téléphonie argent liquide etc…
Et en 10 minutes à avoir découvert réagi compris beaucoup trop de trucs, on appelle. On appelle un proche, le proche, qui nous rejoindra on l’espère vite. Parce qu’en quelque minutes, en rentrant chez soi, on ne se sent plus chez soi.
Ils sont entrés chez moi, je ne les avais pas invité. Ils ont pris ce qui m’était cher, ou me semblait l’être en tout cas. Ils sont venus, ils ont pris, puis ils sont repartis. Quant à moi, je suis revenue chez moi, en partie seulement. Car en volant du matériel, ils ont volé de cet appart, ce qui faisait que je m’y sentais chez moi.
Ces faits, quand bien même ils sont rédigés ici en partie au présent, datent de quelques années en arrière, quand je vivais seule dans un appartement sympathique que je louais en banlieue parisienne. Dans une banlieue où clairement je ne me serais pas attendue à l’époque, à ça.
Ces faits, j’ai mis du temps à m’en remettre. Même après avoir quitté ce logement. Quant à ce logement que j’ai beaucoup aimé avant que ce cambriolage ne survienne, je n’ai pas réussi à m’y sentir bien après que des inconnus y soient entrés en mon absence.
Aujourd’hui, je suis beaucoup plus sereine quand j’y repense. Je m’estime vraiment chanceuse, d’avoir perdu si peu et seulement du matériel. Bien entendu, cela me pince toujours le coeur quand je sais que certains bijoux offerts quand j’étais toute petite et au détour d’anniversaire ou événements marquants comme une communion, furent volés cette nuit-là. Mais je m’estime heureuse de ne pas avoir à découvrir un logement dégradé. Ce que des proches ont vécu hélas. Je m’estime également chanceuse de ne pas avoir été présentée à ce moment-là.
Pourtant, je resterai toujours un soupçon marquée par ce sentiment si envahissant et désagréable de ne plus m’être sentie chez moi après les faits. En quelques secondes, mon chez Moi était devenu un endroit où je n’avais plus envie d’être. J’avais même envie de le fuir. De l’éviter.
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Cela est vraiment horrible… Même si ce n’est que du matériel sur le papier, je ressens la dépossession de ton chez toi immatériel… Des bisous, So
Yes la dépossession c’est tout à fait ça. Heureusement que l’homme habitait juste un immeuble derrière à l’époque. J’admets avoir mille fois apprécié son accueil chez lui pendant plusieurs jours après les faits. Ça rassure ^^ merci pour gentil petit mot my Wow mum
Je me souviens de ce douloureux moment…. Ce petit appartement était si bien !
La vie est si difficile quelques fois. Il faut rebondir et tu l’as fait .
Bisous.