Je suis une Ourse, Mais je me soigne

J’aime bien avoir mon espace, même modeste. Pas besoin de grand, ni de haut. Tant que je peux mener ma petite vie sans qu’on me casse la tête : tout va bien. En vérité, tout tient en cela. Je n’embête personne, j’aimerai qu’on fasse dans le meilleur des cas la même chose envers moi.

Je ne me frotte pas aux arbres, je ne bouffe pas du miel. Et je m’épile. En revanche, qu’on pénètre dans mon espace, qu’on vienne percer ma petite bulle, aussi petite soit-elle, ça m’irrite. Mais ! Pas facile quand on vit en région parisienne, qu’on subit environ 2h45 de transports en commun par jour, ce 5 fois par semaines, et qu’on bosse en open space. Impossible même. Je crois.

L’ourse, cette veinarde, elle est pépère dans sa forêt. Ici, c’est la jungle, et y’a pas de grotte où se planquer, hormis dans son chez soi. Et même chez soi on est emmerdé(e). Pardonnez cette vulgarité et ce vocabulaire fleuri, mais, appelons un chat: un chat. Ces andouilles de vendeurs « porte à porte », des hordes de mecs qui viennent fumer sous vos fenêtres, parce que devant chez vous, pour eux c’est chez eux, et qu’à vrai dire, c’est chez eux à peu prêt partout.

L’ourse elle a du bol aussi. On l’emmerde et hop coup de patte, coup de griffe. Personne n’y voit rien à redire. On l’agresse, elle répond. Non pas que je sois pour l’anarchie ou la violence. Au contraire. Mais parfois, diantre, l’envie de décoller une mandale, quand elle est là, elle ne l’est pas à moitié. Je me contente de l’imaginer en souriant, quand cette énième tête sans-gêne me marche sur le pied. « Je n’ai pas de grosses chaussures à bouts renforcés enfoiré! Non, juste des ballerines. Tu n’as pas senti que t’écrasais un truc ? Ah pourtant tu as vacillé et failli t’étendre de tout ton long dans le wagon pour une fois presque vide. »

L’ourse, elle ne cherche pas à se prendre la tête, elle pense utile et vital. Moi non plus je ne veux pas me la prendre, je veux juste aller au travail, travailler, rentrer chez moi, parfois aller quérir de quoi nourrir tout ça, et rentrer.

Pourtant, y’a toujours une tripotée de pékins pour nous en empêcher : 2 buses qui pensent que le caddie c’est un accoudoir et que la réunion tupperware se fait 30 minutes durant, entre la tête de rayon et les caisses. Toi t’as le temps de faire le tour du supermarché que les buses, elles sont toujours là. 3 Glandus qui racontent comment ils « péchoent de la meuf » devant la porte du train. Tu t’en fous toi de s’il y aura de la meuf demain soir, surtout qu’après demain, il aura école le transfuge de Justin Bieber, l’acné et l’appareil dentaire en prime.
Pour pécho, il faudra qu’il revoit son look. Déjà.
Pécho. Mon dieu que ce terme est laid.
Mais soit !

L’ourse, elle a pas free, mais elle a quand même tout compris. Elle est planquée, elle envoie valser quand on l’emmerde, elle chope sa bouffe et elle rentre. Ceci dit, elle voit peut être pas beaucoup de monde. Tandis que moi… Je suis une ourse, mais je me soigne.
Je ne peux pas me planquer et envoyer valser, ou si, mais faut les formes, même si dans le fond, l’idée est là.

Je tente de m’adoucir, j’arrondis les angles, je souris même parfois :p
Je fais des efforts de sociabilité, il m’arrive même de communiquer avec mes semblables, autrement que pour leur lancer le regard noir du : bouge ton boule mec, je peux pas déplacer ton boule à ta place, mais faut que j’descende du tram là tu vois. Je vais au boulot !

Qu’on se rassure. Dans les faits, je suis même plutôt minette qu’ourse. Mais l’environnement est parfois tel, que pour ne pas se faire trop marcher sur la queue, on réagit en tigresse, plutôt qu’en faisant ses yeux de biches. Montrer les crocs ne sert à rien, mais on a pourtant tellement envie de sortir les griffes parfois. Cependant à quoi bon ? Des animaux, ou des personnes qui se comportent comme tels, on en croise plein et souvent, hélas. Résultat, tandis qu’on pourrait réagir de façon civilisée, on finit à quelques occasions, rares heureusement, par réagir un peu de la même façon.
Je suis une ourse et je me soigne. Le truc dommage, c’est que le temps passant, les gens en face eux, ne changent pas d’un iota.